Éthique et confidentialité en cabinet d’avocat : les nouveaux enjeux liés à l’IA

L’IA ouvre des perspectives intéressantes pour les cabinets d’avocats : gain de temps, meilleur accès à l’information, accompagnement dans les tâches répétitives. Mais son utilisation impose une vigilance accrue. Pour protéger la confidentialité des clients, garantir la qualité du travail juridique et respecter les règles déontologiques, l’avocat reste au centre de la démarche. L’IA peut assister, mais elle ne peut ni remplacer le jugement professionnel, ni atténuer les obligations légales et éthiques de la profession.
Éthique et confidentialité en cabinet d’avocat : les nouveaux enjeux liés à l’IA
Éthique et confidentialité en cabinet d’avocat : les nouveaux enjeux liés à l’IA

L’intelligence artificielle (IA) s’est imposée dans le secteur juridique en quelques mois à peine. Assistants de recherche, synthèses automatiques, modèles génératifs : autant de solutions qui promettent un gain de temps considérable pour les professionnels du droit. Mais cette révolution numérique s’accompagne de nouvelles responsabilités, en particulier en matière de secret professionnel, de protection des données et de qualité de l’information juridique. En France, la CNIL, le Conseil national des barreaux et plusieurs Ordres rappellent qu’un usage maîtrisé de l’IA est essentiel pour préserver la confiance des clients et respecter les règles déontologiques.

Protéger le secret professionnel : un impératif toujours aussi fort

Depuis 2023, la CNIL a multiplié les alertes concernant l’usage des IA grand public. Les informations saisies dans ces outils peuvent être conservées, réutilisées ou analysées par les fournisseurs du service. Pour un avocat, cela représente un risque direct de violation du secret professionnel, protégé par la loi du 31 décembre 1971.
Le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris a d’ailleurs rappelé que le simple fait de transmettre une donnée confidentielle à un service numérique non contrôlé peut suffire à compromettre le secret. L’avocat doit donc savoir où ses données sont hébergées, comment elles sont traitées, et si l’outil respecte le RGPD (Règlement Général de Protection des Données).
Dans le doute, les autorités recommandent d’anonymiser les informations ou d’utiliser des solutions sécurisées, hébergées en France ou dans l’Union européenne.

Les erreurs et biais : un risque pour la qualité du travail juridique

Autre point de vigilance : la fiabilité des réponses générées par l’IA.
Les modèles peuvent produire des contenus erronés, notamment des citations juridiques approximatives ou des décisions inventées (ce que l’on appelle des « hallucinations »). La CNIL et la mission gouvernementale sur l’IA ont souligné ce risque dès 2023.
Pour les avocats, cela signifie que l’IA ne doit jamais être utilisée comme source juridique directe. Elle peut assister, suggérer, résumer ; mais elle ne remplace pas l’analyse juridique humaine. Le CNB l’a rappelé : l’avocat reste entièrement responsable de ce qu’il écrit et transmet, qu’il s’agisse d’un écrit de procédure, d’un conseil ou d’un simple mail.
S’ajoute à cela la question des biais algorithmiques. Le Conseil d’État a montré, dans un rapport consacré à l’IA, que les modèles peuvent reproduire des stéréotypes si leurs données d’entraînement en contiennent. Un résultat généré par IA doit donc toujours être relu, vérifié, contextualisé.

Un cadre déontologique qui s’adapte

La profession d’avocat n’échappe pas à la nécessité d’une montée en compétence numérique. Le CNB (Conseil national des Barreaux) estime désormais que la compétence technologique fait partie intégrante du devoir de compétence de l’avocat. Comprendre le fonctionnement d’un outil numérique, et surtout ses limites, devient indispensable pour garantir la qualité et la sécurité du travail accompli.
Les obligations déontologiques demeurent inchangées, mais leur mise en œuvre exige une vigilance nouvelle. Le secret professionnel s’applique quel que soit l’outil utilisé : application interne, service cloud, assistant d’IA ou logiciel de gestion. Et l’avocat doit être en mesure d’expliquer à son client si l’IA intervient dans le traitement d’un dossier, notamment lorsque cela implique des données personnelles.

Vers un usage maîtrisé et responsable

Pour les cabinets, l’enjeu n’est pas de renoncer à l’IA mais de l’encadrer.
De nombreuses structures commencent à élaborer des règles internes : choix d’outils sécurisés, définition des données autorisées, clarification des pratiques d’anonymisation, sensibilisation des équipes. Les formations proposées par la CNIL, les Écoles d’avocats ou les Ordres permettent également de diffuser les bonnes pratiques.
L’arrivée prochaine du règlement européen sur l’IA (AI Act) renforcera encore ces obligations, notamment en matière de transparence et de supervision humaine.

 

Sources : https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-et-le-conseil-national-des-barreaux-renouvellent-leur-partenariat
https://www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/cnb-cnil-un-partenariat-renforce-pour-accompagner-la-profession-face-aux-defis-de-lia
https://www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/rgpd-telechargez-le-guide-pratique-elabore-pour-la-profession-davocat
https://www.actu-juridique.fr/ntic-medias-presse/le-conseil-detat-dessine-le-profil-dune-ia-de-confiance-dans-le-service-public/