Jurisnews – Le forfait-jours pour les avocats salariés
Les conditions d’une convention de forfait en jours
Une convention de forfait en jours permet à l’employeur et au salarié de convenir d’une rémunération forfaitaire incluant le salaire habituel et les heures supplémentaires sous forme d’un forfait annuel en jours de travail. La forfaitisation de la durée de travail doit faire l’objet d’un accord du salarié et est régi par une convention individuelle établie par écrit.
La possibilité de recourir au forfait annuel en jours doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut une convention ou un accord de branche. En application de l’article L.3121-64 du Code du travail, l’accord collectif en question doit veiller au suivi régulier de la charge de travail du salarié, à la communication périodique sur ce sujet entre l’employeur et le salarié et au droit à la déconnexion du salarié.
D’après l’article L.3121-65 du Code du travail, si l’accord collectif relatif au forfait en jours est insuffisant au sujet de suivi de la charge de travail du salarié, l’employeur peut tout de même y recourir mais doit respecter les conditions suivantes : établir un document de contrôle avec le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, s’assurer que la charge du travail du salarié est compatible avec les règles de repos quotidiens et hebdomadaires et organiser chaque année un entretien avec le salarié au sujet de sa charge de travail, de l’organisation de son travail, de l’articulation vie professionnelle/vie personnelle et de sa rémunération.
Les conditions spécifiques pour les avocats salariés
En raison des spécificités de la Convention collective des cabinets d’avocat (avocats salariés) du 17 février 1995, les modalités de la convention individuelle peuvent s’avérer différentes pour les avocats salariés.
Selon la convention collective nationale des cabinets d’avocats (avocats salariés) du 17 février 1995 :
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- Le nombre de jours travaillés pour exécuter les missions qui lui sont confiées par le cabinet au titre d’une année civile est fixé à 218 jours, journée de solidarité incluse.
- Pour l’avocat salarié ayant une activité réduite sur une année civile complète, les parties conviennent d’un forfait annuel inférieur à 218 jours. Cet avocat bénéficie à due proportion des mêmes droits et avantages que l’avocat salarié travaillant à temps complet.
- Pour l’avocat salarié ne bénéficiant pas d’un congé annuel complet, le nombre de jours de travail est augmenté à concurrence du nombre de jours de congés légaux et conventionnels auxquels l’avocat salarié ne peut prétendre.
- Pour les salariés entrant ou sortant en cours d’année civile, le nombre de jours prévus au premier alinéa est déterminé prorata temporis. “
L’arrêt du 24 avril 2024
La chambre sociale de la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt (n°22-20.359), le 24 avril, qui rappelle que toute convention de forfait-jours doit être encadrée par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut une convention ou un accord de branche. Une avocate salariée a effectué un recours à la suite de son licenciement. Elle estime avoir été discriminée en raison de son sexe et de son état de maternité. De plus, en raison de sa convention de forfaits en jours, qu’elle estime nulle, elle demande le paiement d’heures supplémentaires.
La mise en place d’une charte de bonnes pratiques par l’employeur
L’avenant n°15 du 25 mai 2012 relatif au forfait annuel en jours de la Convention collective nationale des cabinets d’avocats (avocats salariés) du 17 février 1995 qui permet le recours au forfait-jours dans la branche, a été jugé par la Cour de cassation comme inapte à garantir le suivi de l’amplitude et de la charge de travail, et donc la santé et la sécurité des travailleurs.
L’accord collectif relatif au forfait en jour étant insuffisant et incomplet, l’employeur met en place une charte de bonnes pratiques en matière d’organisation du temps de travail (article L.3121-65 du Code du travail). Cependant, la Cour de cassation a jugé que cette charte était insuffisante car il n’y avait pas de preuves que l’employeur avait réellement rempli ses obligations en matière de suivi des forfaits-jours. Les dispositifs mis en place dans la charte ne permettaient pas à l’employeur de remédier en temps utile à une situation de surcharge de travail de l’avocate salariée qui serait incompatible avec la notion de durée raisonnable.
Une vigilance particulière est donc à apporter pour les employeurs d’avocats salariés, en raison du caractère incomplet des dispositions de l’avenant de la convention collective en matière de forfait-jours.